Budget 2002 : encore des vaches maigres…
Fabienne Vansteenkiste, conseillère municipale, groupe Montreuil Ville Ouverte
6 janvier 2002,
introduction - la dette - investissement - fonctionnement - pistes pour s'en sortir - pourquoi emprunter - histoire de la dette - les dépenses de personnel
En cette période de changement de monnaie, il n'est déjà pas facile de suivre l'évolution de ses propres dépenses, alors comprendre un budget municipal en euros, c'est encore plus complexe. Cependant, un effort est nécessaire si on veut comprendre quelles perspectives réelles Montreuil peut avoir dans ses choix de développement. Je vais essayer de faire simple, tout en donnant les grandes lignes du budget. Préparez vous à jongler avec les millions… (MF : million de francs, M€ : million d'euros). On peut se faire une petite idée du "par personne" en divisant les chiffres donnés par 100 000 qui est approximativement le nombre d'habitants de Montreuil (en fait 91 146 au dernier recensement). Attention, une erreur de zéro est vite arrivée(1)!
Pour aider à la compréhension de ce qui est normal et de ce qui ne l'est pas, je me référerai à une moyenne qui comprend l'ensemble des villes de 50 000 à 100 000 habitants d'Ile de France
Deux camemberts et quelques explications pour comprendre
Le budget de Montreuil, qui est une prévision pour 2002, se situe aux alentours du milliard de francs. Les camemberts (graphique 1) représentent l'ensemble des recettes et l'ensemble des dépenses, fonctionnement et investissement confondus, ce qui va faire hurler les spécialistes, mais me semble plus simple à comprendre pour la plupart des gens.
Montreuil est dans la moyenne concernant le total des recettes, et un peu au-dessus concernant les frais de personnel et le taux d'imposition des ménages (graphique 2).
Là où la ville sort carrément de la moyenne, pour se retrouver dans les 10 % "plus mauvais", c'est pour tout ce qui concerne l'endettement et la faiblesse du budget d'équipement.
Une dette qui augmente, peu de recettes nouvelles en perspective
La dette totale représente un an et demi de recettes de fonctionnement, environ 1,3 milliard de francs (200 M€), ou encore 14 500 F / habitant (2200 €/hab), ce qui est une fois et demi plus que la moyenne des villes comparables. La dette coûte cette année deux fois plus que l'investissement réel.
Montreuil va encore emprunter 100 MF (15M€) en 2002. Il y a un équilibre apparent : on rembourse 100 MF de capital (les 69 MF supplémentaires sont des intérêts), et on emprunte 100 MF. Pourtant, la charge de la dette continue d'augmenter, et l'année prochaine, la ville aura à rembourser quelques MF de plus que cette année, alors qu'aucune recette supplémentaire ne se profile. Bien au contraire, puisque la manne de la vente des terrains que possède la ville dans les ZAC va bientôt s'épuiser, manne qui a permis d'équilibrer le budget ces deux dernières années.
Pourtant, tout va s'arranger à partir de 2004, nous dit-on, dès que Air France et la BNP, grosses entreprises s'installant dans le Bas Montreuil, vont payer de la taxe professionnelle (TP). Hélas, la TP que verseront BNP et Air France sera réduite (4 MF ou 600 000 € selon les services fiscaux, soit 0,4% du budget). Tout juste de quoi financer l'augmentation des intérêts de la dette, et certainement pas la fin des années d'austérité… Quant aux emplois attendus, il faut rappeler qu'il ne s'agit pas de créations d'entreprises, mais de délocalisation et de regroupement.
Il est logique d'emprunter pour s'équiper. Une école construite, un gymnase réhabilité, seront utilisés pendant les décennies à venir, et il est correct de faire participer les futurs habitants à leur financement. Par contre il est incorrect et interdit d'emprunter pour rembourser des emprunts, ou pour financer le fonctionnement. Montreuil emprunte 100 MF pour n'investir que 73 MF en équipement alors que l'emprunt doit normalement être inférieur à l'équipement réalisé. Les 27 MF restant sont versés sous forme de subvention d'équipement à MODEV, société d'économie mixte d'aménagement, et l'opacité des relations entre la ville et MODEV rend le contrôle de la destination de ces subventions particulièrement difficile |
Un budget d'investissement rétréci (graphique 3)
700 F/ habitant (108 € /hab), soit moins de la moitié du budget d'investissement des villes comparables d'Ile de France. Et 50% de ce budget concerne la démolition de l'hypercentre et la création de voiries pour les entreprises s'installant dans le Bas Montreuil
Le budget d'investissement ne concrétise pas les priorités officiellement affichées (enfance, jeunesse, quartiers, formation du personnel). Et pour cause : la municipalité ne peut même plus choisir ses priorités, les seuls investissements possibles sont ceux pour lesquels Montreuil obtient des aides extérieures.
Donc la piscine attendra, alors qu'elle est au bord de la ruine. Officiellement, les entreprises facturent trop cher en ce moment. Notons que les mêmes entreprises ne semblent pas trop chères pour démolir le centre ville… Il fallait d'urgence démolir le théâtre en bon état, mais on remet à plus tard la rénovation de la piscine, du conservatoire, des écoles Jules Ferry, qui se dégradent chaque mois un peu plus…
Un budget de fonctionnement serré de (presque) partout
Montreuil est encore contrainte de diminuer les dépenses des services. Bien sûr, on peut se consoler en voyant que le budget de la communication, avec notamment l'ineffable Montreuil Dépêche augmente encore... Alors on économise sur les budgets de fonctionnement des crèches, sur celui de l'école de musique, qui dispose d'un budget inférieur à celle de la ville d'Aulnay, pour une population deux fois supérieure. On économise sur le budget des espaces verts, on économise partout. A coté d'une chasse bienvenue au gaspillage des fonds publics, c'est le service public lui-même qui est bradé.
Quelles pistes pour s'en sortir ?
Il va être très difficile de retrouver un budget normal, et de reprendre les investissements. Cependant, quelques pistes méritent d'être étudiées.
La municipalité actuelle privilégie deux démarches
- recherche de financements extérieurs (état, région, département, privé) pour les équipements
- politique d'implantation de bureaux pour récupérer de la TP
Ces deux démarches, bien qu'elles permettent à la ville de maintenir l'équilibre du budget, présentent des inconvénients : les financements extérieurs, outre qu'ils contraignent à laisser d'autres décider des équipements, sont surtout des financements par l'impôt, qui ne changent pas la charge pour le contribuable. Quant à la TP attendue des nouvelles implantations tertiaires, avec la suppression de la part salariale, elle est devenue assez limitée, comme on l'a vu plus haut
Il nous semble qu'il faudrait examiner si la très coûteuse opération hypercentre peut encore être, sinon arrêtée, du moins revue à la baisse. Plutôt que les 50 MF (7,6 M€) que va coûter la seule consolidation de la dalle du parking, on pourrait tout à la fois réaliser des travaux plus urgents et diminuer l'endettement. Les choix d'investissement pourraient également être faits en fonction des demandes réelles de la population, grâce à de vraies discussions budgétaires.
En examinant bien le budget, il est certainement des dépenses de fonctionnement qui pourraient être économisées sans nuire au bien-être des Montreuillois, ni à la qualité du service public. On pense bien entendu à Montreuil Dépêche dont la périodicité pourrait facilement être réduite.
D'autres pistes sont sans doute possibles, c'est pourquoi un groupe s'est constitué autour d'élues de MVO pour étudier quelles propositions budgétaires pourraient être faites. Toutes les personnes intéressées sont bienvenues.
Une première réunion aura lieu vendredi 25 janvier à 18h au local de MVO 28 bd de Chanzy
(1) il y a trois mois, une affiche (rédigée par moi, la honte!) évaluait à 11 000 F par personne le coût de l'autorisation de programme de 100 MF pour l'hypercentre. En fait, c'était 1100 F/hab. Comme quoi, faut se méfier des chiffres! - FV
Montreuil a subi, comme les autres villes, les effets de la crise : beaucoup d'entreprises ont fermé, une part importante de la population a vu ses ressources diminuer. Nos recettes ont baissé, alors que nos dépenses augmentaient. Mais les autres villes s'en sont mieux sorties, comme on le voit en comparant notre situation à la moyenne. L'essentiel du déficit provient de l'achat massif de terrains au plus mauvais moment, juste avant que le marché immobilier ne s'effondre. La ville a emprunté pour acheter, en espérant que les prix allaient monter. Las, les prix ont chuté, le marché s'est éteint, la commune est restée des années avec des terrains invendables, pour lesquels les intérêts des emprunts continuaient de courir… Jusqu'en 1999, une présentation peu sincère des budgets a permis une fuite en avant, sans que l'Etat ne joue son rôle de sonnette d'alarme, et Montreuil a glissé dans la spirale de l'endettement, en lançant notamment le projet démesuré de l'hypercentre. La reprise du marché immobilier permet maintenant de vendre enfin les terrains achetés au début des années 90, mais le prix de leur vente est très loin de couvrir leur prix d'achat augmenté des intérêts d'emprunts payés depuis dix ans. Et la ville a tellement besoin de vendre ces terrains qu'elle ne peut plus être difficile quant à leur destination. Exit l'argument officiel (et probablement sincère à l'époque) d'achat des terrains dans un souci de maîtrise foncière pour éviter que ne s'installe n'importe quoi. Maintenant, quel que soit ou presque l'acheteur, du moment qu'il paie, on vendra… On l'a vu avec l'affaire du multiplexe, à qui la ville était décidée à vendre, ce qui ne s'est pas fait uniquement par abandon de l'acheteur potentiel. |
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