La commande politique faite à l'architecte Siza vient, en amont, du projet urbain élaboré au dé-but des années 1990, qui fixe pour 20 ou 30 ans l'évolution de la ville. La construction d'un "grand centre" est mise au coeur du projet, avec la rénovation de l'hy-percentre, la densification de la population et la création d'un anneau d'avenues contour-nantes : "avoir un centre ville digne d'une ville de 100000 habitants" est une antienne permanente dans les documents municipaux. L'urbanisation des Murs-à-Pêches est le se-cond volet, à plus long terme. Le choix stratégique est clair : rénover l'hypercentre est le point de passage obligé pour redonner du dynamisme économique, justifiant ainsi la "concentration des moyens" (financiers, techniques,...) dans cette partie de la ville.
L'hypercentre avait subi une première opération de bétonnage dans les années 70, avec la construction des 3 tours et de la Cité de l'Espoir. La gare des bus et le TJS, eux, ont moins de 10 ans... Le terrain, jamais aménagé, à l'angle Walwein/Franklin sert de parking. Dès 1991, la Municipalité a décidé d'intervenir dans ce secteur : selon elle, il ne fonctionne pas. L'ensemble commercial est "dans un processus de dégradation et de dévalorisation" inquiétant; les bou-tiques sont fermées ou endettées; les bureaux sont vides dans 2 tours; celle de l'Urssaf résiste avant une restructuration; le parking (PIR) est inutilisé mal entretenu et mal surveillé; il y a des problèmes de sécurité. La raison essentielle est attribuée aux conceptions urbanistiques de l'époque, à la dalle.
Les principales orientations retenues
Elles sont : - détruire les bâtiments annexes au pied des 3 tours pour revenir au sol "naturel" et permettre les passages à ce niveau entre les bâtiments; - refaire l'avenue Wilson comme vraie rue, à la place de la gare des bus; - mettre un nouveau centre commercial au coeur du secteur et établir une continuité commerciale entre les rues piétonnes; - accroître le rôle des espaces pu-blics; - donner la priorité aux bus, vélos et piétons, mettre les voies encadrantes en "zone 30" et interdire le stationnement des voitures en surface. En conséquence, le Salon du Livre quittera l'hypercentre pour le bas-Montreuil. Le TJS sera détruit et re-construit dans le futur bâtiment A. La Bourse du Travail sera détruite et installée à la Croix de Chavaux dans l'ancienne Poste. Le Centre des expos sera détruit. Le centre commercial "Terminal 93" disparaîtra. La gare des bus sera rempla-cée par des arrêts dispersés sur 2 côtés de la place et à proximité de la Mairie.
180 logements (50% en accession à la propriété) sont programmés dans le bâtiment A (7 étages, 25 à 27 mètres de hauteur), et le long de l'avenue Wilson (12 à 15 mètres). Les places Jean-Jaurès et Guernica seront maintenues avec des trans-formations, dont en particulier un bassin de rétention (destiné à prévenir les inondations) sous la place Guernica. Une nouvelle place minérale - Benoît Frachon - est créée entre les tours, comme noeud pour les échanges piétonniers. Une esplanade est étudiée, depuis 6 mois, pour relier l'hyper-centre et la Cité de l'Espoir, avec peut-être (c'est encore plus récent) une moyenne surface commerciale supplémentaire au débouché de la rue Galliéni.
Montreuil souffre d'un déficit de commerces : trop de Montreuillois vont faire leurs courses en dehors de la ville. Il s'agit aussi d'attirer de nouveaux clients, venant du sud de la ville. Il s'agit enfin de s'appuyer sur la fonction "pôle d'échanges pour les transports" du secteur, dans la logique de la construction de la ligne "banlieue-banlieue" - métro automatique Orbitale - qui doit y passer. Cela conduit donc à tout miser sur la dynamique commerciale pour servir de moteur à une dynamique économique plus globale. D'où le programme du bâ-timent central (B) (12 à 15 mètres de haut) : une grande surface de 3800 m2 (de ventes), et des commerces spécialisés pour 4500 m2. S'y ajoutent 2000 m2 pour les magasins de l'avenue Wilson, plus la "moyenne surface" Galliéni. Des nou-veaux bureaux, prévus à l'origine, ont été abandonnés.
Au total, sont en baisse les fonctions culturelles (Salon du livre, Centre des expos) et ci-toyennes (Bourse du Travail et Centre des expos) et en hausse la fonction commerciale. Il faut y ajouter la fonction administrative - en hausse - avec l'achat par la Ville (une exigence de Gulf) de la tour de 14 étages pour y installer le centre administratif. Ce programme a des compléments inséparables : la refonte des espaces et lieux publics de la Cité de l'Espoir, la transformation complète du carrefour de la Croix de Chavaux et du boulevard Rouget de l'Isle (une exigence de la RATP pour la circulation des bus), plusieurs grands im-meubles entre l'avenue Franklin et la rue de Rosny. C'est considérable.
Tels sont les projets, avec leurs motivations, affichés par la Ville; il reste à boucler le dossier : accords des partenaires, montage juridique, tour de table financier. On est loin du compte. Les travaux, encore prévus pour la fin 1998 en mai dernier, attendront au moins le printemps 99. Et tant que le dossier n'est pas bouclé, tant que les bulldozers ne sont pas entrés en action, le programme peut changer...
Dessin de l'architecte
Siza
L'argument de base de la mairie
"Les dysfonctionnements graves du centre ville proviennent d'une rupture des niveaux entre le sol naturel et les dalles qui créent des enclaves par effet de sous-sol (centre com-mercial) et d'exhaussement (hypermarché et Cité de l'Espoir). Ces ruptures de continuité des sols sont de plus accompagnées d'effet de barrière et de monolithisme : c'est le cas de l'ensemble Terminal 93 et de la gare de bus RATP. Ces espaces contigus ne communi-quent pas. La relation parking, gare de bus, centre commercial n'a jamais fonctionné cor-rectement, créant des séparations" (Conseil du 17/12/98, demande de subvention à l'État).