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 Rénover autrement

Les opérations gigantesque, l'urbanisme de la table rase et des bulldozers, ne sont plus au goût du jour, ni possibles ni souhaitables. Les villes sont déjà trop peuplées d'éléphants blancs, échecs urbanistiques de grands noms de l'architecture. Il faut intervenir dans l'hypercentre, mais pas comme cela : avec une autre conception de la Ville, un autre diagnostic sur la situation, une autre démarche, et un autre programme. Et en débattre.

Une autre conception de la ville

Montreuil fait partie d'une agglomération dont Paris est le centre. Ni l'histoire ni la géographie de la ville n'ont conduit à une forte hiérarchisation spatiale. Pourquoi vouloir hiérarchiser une ville qui l'est peu ? Le symbolisme lié au Pouvoir est-il si fort ? Ne faut-il pas privilégier un polycentrisme plus équilibré entre les différents quartiers ? Pourquoi faire un hypercentre, là où le centre fonctionne de manière bipolaire entre la Croix de Chavaux (le Marché, le Monoprix, le cinéma, la piscine) et la Mairie ? Ne vaut-il pas mieux au contraire s'appuyer sur cette bipolarisation et la développer, plutôt que de mettre la fonction commerciale de la Croix de Chavaux en difficultés en accroissant les surfaces commerciales de la Mairie ? Et quel symbole de l'alliance pouvoir / argent, typique des années 80, que de vouloir mettre un centre commercial au coeur du coeur de la ville ! Vouloir concentrer les moyens d'intervention dans l'hypercentre est d'abord la conséquence de cette volonté de hiérarchiser la ville.

Un autre diagnostic

Pourtant, la situation n'est pas catastrophique dans l'hypercentre. Toutes les composantes n'en sont pas en crise. Quand la Municipalité cherche à noircir le tableau, c'est avant tout pour justifier une intervention lourde. Annoncer depuis près de 8 ans que tout va mal et que tout va être rasé a des effets pervers bien connus, surtout quand cela vient d'une Municipalité : accélérer la dégradation des lieux, démotiver les propriétaires (y compris publics) pour l'entretien de leurs locaux. Si le Centre des expos ne répond plus aux normes de sécurité, c'est parce que rien n'y est fait depuis longtemps. Mais le TJS fonctionne très bien, la place Jean-Jaurès (malgré sa laideur) ne fonctionne pas trop mal, comme la gare de bus, malgré les courants d'air et la saleté.

Le centre commercial (galerie et supermarché) et les bureaux sont ce qui ne marche pas. Mais doit-on attribuer cet échec principalement à l'urbanisme sur dalle ou à la crise sociale et économique ? Il y a plein de bureaux vides ailleurs, et l'insécurité est plus le reflet d'un désordre social, voire d'un conflit social, que la conséquence d'une dalle. La Ville ne renoue-t-elle pas avec une dalle au-dessus de Décathlon dans le bas-Montreuil ? Pour la Cité de l'Espoir, comme pour la place Frachon du programme projeté, la dalle est aussi inévitable.

L'état de l'hypercentre ne justifie pas une opération "table rase", mais l'intervention doit être différenciée selon les endroits. Il ne justifie pas une concentration des moyens, alors que d'autres quartiers de la ville connaissent des situations plus urgentes. Dans la situation sociale et financière de la ville, consacrer 26 MF pour des opérations de destruction / reconstruction de lieux qui fonctionnent (le TJS, depuis moins de 10 ans, la Bourse du Travail) est proprement scandaleux. Si elle se fait, l'opération hypercentre va accentuer les déséquilibres dans la ville.

Une autre démarche, pour un autre programme

Rêvons un peu d'une démarche novatrice et démocratique Elle serait d'abord de débattre de la fonction de l'hypercentre : priorité commerciale, priorité citoyenne, hiérarchisation, etc. Ne faut-il pas en premier lieu rendre explicite les enjeux et décider d'un contenu, avant de définir un programme de bâtiments ? C'est d'ailleurs ainsi qu'une association, "Le 16e Ciel", a cherché à travailler, en proposant d'utiliser les bâtiments actuels pour faire de Montreuil la "planète Méliès". Sans beaucoup d'écho.

Elle serait sans doute aussi de garder ce qui fonctionne et de le développer (étendre la place Jean-Jaurès à la place du bâtiment A projeté, mieux utiliser le TJS et la Bourse du Travail, relancer le Centre des expos), et de ne détruire qu'un minimum de bâtiments. Elle se ferait en écoutant les habitants, en étudiant leurs pratiques sociales, culturelles et citoyennes dans ce secteur, en faisant émerger leurs demandes.

Une partie des orientations urbaines et du programme proposés par la Municipalité irait, sans doute, dans le bon sens (notamment les bâtiments C à F, la moyenne surface de l'esplanade Galliéni et la conception des déplacements), sans déboucher obligatoirement sur une rénovation lourde. Une autre ne s'impose pas et pourrait être modifiée (notamment la remise complète au niveau du sol, et le mode de liaison avec la Cité de l'Espoir). Une dernière (les bâtiments A - qui ne sert dans le projet municipal qu'à produire de l'argent - et B - le grand centre commercial - , la place Frachon) irait dans le mauvais sens.

Choisir entre plusieurs programmes, transformer les propositions actuelles : est-ce aussi utopique ?


Pour un Conseil municipal extraordinaire

Un groupe de citoyens de Montreuil (militants écologistes et associatifs, membres des conseils de quartiers) a lancé une pétition pour demander la convocation d'un Conseil municipal extraordinaire sur le problème de l'hypercentre et un véritable débat avec la population.

Cette demande a été contresignée, dans un premier temps, par 50 habitants et 50 habitantes de notre Ville. Favorables à une rénovation du centre ville, ils expriment leur désaccord avec la méthode choisie par la Municipalité et certains éléments du programme (pour la partie visible de l'iceberg). Leur appel met l'accent sur la contradiction entre les engagements pris dans la charte municipale, et le début de l'opération dans l'opacité complète. La Charte proposait la poursuite de la réflexion sur l'hypercentre, et le début des travaux n'avait jamais été annoncé publiquement lors de la campagne électorale.

La Charte municipale prévoit la saisine du Conseil municipal sur pétition signée par 5000 habitants. Alors, il faut la signer et la faire signer autour de vous. Une réunion publique avec les signataires, et avec des urbanistes, pour débattre de la rénovation de l'hypercentre, est d'ores et déjà programmée.

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Article paru dans Le Poivron n°11, janvier 1999 - Dernière mise à jour de la page le 14 mai 2000