Sur
la concertation en vue de la création d'une ZAC "
Cur de Ville "
Quel est l'objet véritable de cette concertation ? On ne
le comprend pas vraiment en prenant connaissance du dossier.
- Est-ce l'opportunité de créer une ZAC, comme outil
technique de l'opération ? Mais il n'y a guère d'explications
sur les raisons de ce choix, ni d'éléments qui permettraient
de choisir entre plusieurs outils techniques après comparaison.
L'idée que cela permettrait un contrôle financier
rigoureux est recevable en principe. En réalité,
c'est la convention publique d'aménagement qui favorise
ce contrôle, et non pas la structure juridique ZAC en elle-même.
En quoi la ZAC est indispensable ? Il n'y a pas véritablement
d'arguments présentés dans le dossier. On peut aussi
rester sceptique après l'épisode de la Semimo-B
et des ZAC qu'elle aménageait. Ce n'est pas un dossier
de concertation sur l'outil ZAC.
- Est-ce la pertinence entre un programme d'aménagement
et un outil ? Les grandes lignes du programme d'aménagement
sont présentées dans le dossier, avec les raisons
d'une opération lourde dans ce secteur, mais cela reste
singulièrement flou, et les éléments essentiels
n'ont pas été versés au dossier de concertation.
La convention publique d'aménagement avec la SIDEC, votée
le 21 mars 2002 par le conseil municipal, n'est pas jointe au
dossier. Les hauteurs, les surfaces, les localisations précises,
les destinations des bâtiments, les coûts (pour ce
qui est inclus, et pour ce qui ne l'est pas, tout en étant
indispensable au reste de l'opération), la séparation
de la tour administrative de sa jumelle, le nouveau plan de circulation,
les études d'Arlindo Stefani sur les usages des habitants
de la Cité de l'Espoir, le compte rendu de la concertation
entre l'OPHLM et les habitants de la Cité de l'Espoir :
rien de tout cela ne figure dans le dossier. Pareillement, un
élément essentiel n'est signalé que "
pour mémoire "et de manière sommaire : la cohérence
entre le projet urbain, les fonctions urbaines et des aménagements
d'un centre ville plus large que son cur. Ce n'est clairement
pas non plus un dossier de concertation sur le programme.
Une intervention lourde dans l'hypercentre est indispensable.
C'est une évidence que nous partageons. Mais, comme depuis
12 ans, l'information fournie par les promoteurs de l'opération
reste lacunaire et parcellisée. Les habitants n'ont pas
les moyens de débattre, à partir d'un diagnostic
partagé (qui n'a jamais été fait), ni de
décider en connaissance de cause, y compris financière.
Le dossier " Cur de Ville " a même été
sorti du débat général sur le PLU, qui s'engage
pour deux ans ce printemps 2004. Quelle aberration de débattre
du Cur de Ville sans le resituer dans l'ensemble du projet
urbain Un programme qui repose sur une triple erreur
Quelques éléments du programme ont bougé
depuis 1992 (12 ans déjà !), comme l'arrivée
d'un théâtre (initialement prévu dans le garage
de la rue de l'Église) et la prise en compte (encore bien
trop faible) de la Cité de l'Espoir. Mais, globalement,
l'opération reste marquée par des conceptions très
anciennes (on rase tout et on dispose des blocs, les espaces publics
ne conservant qu'une fonction principalement interstitielle) et
par l'idée fixe de mettre un centre commercial au cur
du cur de la ville.
Selon nous, il s'agit d'une triple erreur : symbolique (le commerce
comme symbole du cur de la ville - faire d'un centre commercial,
banal s'il en est, un principe identitaire de la ville. Le grand
commerce, comme fédérateur des habitants de la ville
?) ; commerciale (pourquoi vivrait-il mieux que le précédent,
quid de la concurrence avec la Croix de Chavaux ?) ; et architecturale
(un bloc qui va limiter la transparence et les passages entre
la rue piétonne Gallieni et la rue de la Convention à
rue de l'Église).
Nous refusons ces principes urbains, et regrettons que jamais
la ville n'ait accepté de travailler sur d'autres hypothèses
depuis 12 ans, d'en évaluer sérieusement la faisabilité,
d'en débattre publiquement et contradictoirement. Nous
sommes de ceux qui demandent depuis des années que culture
et citoyenneté soient les principes directeurs de l'aménagement
du Cur de Ville (il ne suffit pas de déplacer un
théâtre de quelques mètres pour ce faire),
et non le commerce. La ville manque d'équipements culturels,
sportifs, et de loisirs. La ville manque de moyens pour les associations,
et plus largement pour la citoyenneté. Le projet Cur
de Ville passe à côté de ces attentes.
Étudier d'autres hypothèses
D'autres hypothèses urbaines auraient pu être étudiées,
dont le coût aurait du être évalué sérieusement
par la ville, et comparé au projet actuel. Celui-ci comporte
nombre d'impasses pour minorer son coût officiel, comme
le devenir des tours (voir l'étude Bérénice).
Faudra-t-il une opération " Cur de Ville II
" en 2020 ?
- Faut-il tout raser sauf les tours ? Nous déplorons l'absence
d'études techniques qui justifieraient sérieusement
la démolition du théâtre actuel (ouvert en
1988) et l'impossibilité de le rhabiller, restructurer
(locaux techniques, isolation, brasserie vers l'extérieur
)
; démolir un bâtiment récent pour en reconstruire
un neuf à quelques mètres est un mauvais exemple
de bonne gestion de l'argent public. Nous demandons, encore, maintenant,
que soient faites de telles études techniques, pour le
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théâtre actuel comme pour une réhabilitation
de tout ou partie des espaces du centre des expos, de l'ex-bourse
du travail, et de Terminal 93.
- La démolition de la gare de bus, et la re-création
de l'avenue Wilson à la place (avec de petits immeubles
et des commerces) semble justifiée, mais ne règle
pas la question de la continuité piétonnière
à travers le cur de ville, depuis la rue Gallieni
et la cité de l'Espoir. Là encore, mettre un bloc
(un centre commercial fermé) est un choix de départ
sans aucun travail sur des hypothèses alternatives.
- La tour Urssaf est en vente, et, en l'état actuel du
marché, difficilement vendable. Dans 2 ans, elle sera vide.
La tour R22 (la plus haute des deux tours jumelles) est pratiquement
vide en dehors des services municipaux. Comment faire vivre un
cur de ville avec deux tours vides ? Comment penser que
la place Frachon pourrait devenir dans ce contexte le principal
lieu d'animation du Cur de Ville, au pied de deux tours
vides ? C'est pourtant cette place qui est proposée, dans
le dossier de concertation, pour être le lieu des principales
animations culturelles et commerciales
Il
est encore possible de retrouver une autre cohérence urbaine,
il est encore temps de le faire.
Démolitions et promesses de vente sont loin d'être
bouclées. Il nous paraît encore temps de travailler
sur ces hypothèses, tout en engageant l'aménagement
des espaces publics et le nouveau plan de déplacements.
Cela permettrait de remettre le Cur de Ville dans le débat
sur les orientations urbaines du PLU, et c'est essentiel pour
tout habitant qui veut se projeter dans l'avenir de notre ville.
Nous sommes favorables à une démarche d'évolution
urbaine, qui permet d'expérimenter et d'adapter, et non
à un urbanisme de grands projets. Nous sommes favorables
à un urbanisme qui parte des déplacements, des rues,
de l'usage des espaces publics, et qui est ainsi à même
de faciliter les évolutions urbaines.
Nous sommes favorables à un Cur de Ville qui reflète
le paysage social et ethnique très diversifié de
la ville. Il ne semble pas que ce soit le chemin pris par le projet
actuel, notamment dans l'hypothèse commerciale du multiplexe,
accompagné de boutiques " haut de gamme " pour
les loisirs et la culture, en synergie avec les logements du type
studios ou 2-pièces, alors que la demande sociale est autre
dans tout le centre ville. Si une partie de la ville reste pauvre,
une autre dispose d'un pouvoir d'achat plus conséquent.
Il serait inquiétant que la rénovation du Cur
de Ville soit principalement dirigée vers ces couches sociales.
Nous ne partageons pas cette hiérarchisation sociale de
la ville.
Nous sommes favorables à un Cur de Ville qui prenne
place dans un maillage des différents pôles attracteurs
de la ville, " centres " plus modestes, et joue à
leur égard un rôle fédérateur, et non
pas un rôle hiérarchique et écrasant. Nous
préférons une ville polycentrique et même
en réseaux qu'une ville centralisée autour d'un
Cur.
Si ZAC il doit y avoir, ce dont nous sommes loin d'être
convaincus, son périmètre devrait être élargi
pour pouvoir " penser " plus globalement l'aménagement
de l'hypercentre. Il est aberrant du point de vue des fonctions
urbaines du Cur de Ville, que la tour Urssaf soit exclue
du périmètre de la ZAC.
Nous pensons qu'il est encore possible de lancer des " appels
à idées " dans le cadre du débat sur
le PLU, autour de ces autres principes urbains.
Dans
l'immédiat
Mais nous pensons aussi que ces autres orientations ont des conséquences
immédiates dans la partie du programme que la ville annonce
vouloir réaliser dans les trois ans à venir. Nous
pensons que le programme, la conception et la délimitation
de la ZAC doivent être revus. Ceci peut se faire facilement,
par des avenants à la convention d'aménagement avec
la SIDEC. Le point de départ de notre démarche est
d'aménager la place Jean Jaurès, de re-créer
l'avenue Wilson (à la place de la gare de bus), et de voir
ce qui se passe du point de vue des usages de ces nouveaux aménagements.
Encore une fois, pour nous, il s'agit d'une logique d'évolution
et d'adaptabilité d'un programme.
Voici quelques propositions que nous soumettons à la discussion
publique. Dans tous les cas, pour le plan de déplacements,
pour la liaison avec la Cité de l'Espoir comme pour l'aménagement
de la place Jean Jaurès, cette discussion publique devrait
faire appel au savoir d'usage des habitants, au lieu de l'approche
technocratique actuelle.
1- Déplacements et circulation
Pour nous, le principe urbain fondateur, c'est le centre de la
ville comme espace de rencontres, d'échanges, voire de
confrontation entre différentes couches de la population
: un Cur de Ville qui favorise les interactions entre les
habitants. Le fil directeur doit donc être la facilitation
des déplacements, piétonniers principalement (les
liaisons avec les rues piétonnières, avec la Cité
de l'Espoir et les autres quartiers), mais aussi cyclistes.
Nous sommes donc évidemment favorables à la diminution
du trafic automobile de transit et du stationnement en surface.
Cela implique de réduire très fortement la capacité
du PIR. Sans doute doit-il pouvoir absorber une partie du stationnement
supprimé en surface. Mais nous sommes hostiles à
des aménagements commerciaux (multiplexe et centre commercial)
qui soient basés sur la facilité d'accès
et de stationnement pour les voitures.
Nous pensons que le nouveau plan de déplacements (qui rappelons-le
ne figure pas dans le dossier de concertation) devrait faire l'objet
d'une véritable discussion publique.
Ce plan de déplacements est essentiel pour nous : c'est
à partir des déplacements que devrait se penser
l'opération " Cur de Ville " et les équilibres
dans le centre ville (incluant notamment la Croix de Chavaux
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Cela nous questionne donc sur le périmètre limité
de la ZAC et la segmentation des procédures (ZAC, PLU,
PADD, PDU
).
2- Végétal
C'est l'élément le plus absent de l'opération
prévue. Les contraintes techniques réelles (le bassin
de rétention notamment) ne justifient pas une telle absence.
Nous demandons que soient faites et débattues avec les
habitants des études pour revégétaliser les
places actuelles, à commencer par la place Jean Jaurès,
que l'humour administratif qualifie d'" espace boisé
classé ". Par exemple, nous proposons d'y mettre de
la terre et de pelouses plutôt que, comme actuellement des
dalles de ciments où les arbres n'ont droit qu'à
des interstices,
3- la place Jean Jaurès, la mairie, le théâtre
La place Jean Jaurès est très utilisée, bien
que moyennement conviviale. Elle fonctionne, malgré la
fermeture du centre commercial et du centre des expos, elle est
très utilisée par les habitants. Il y a de multiples
raisons à cela : l'échange bus - métro, la
mairie, la bibliothèque, le théâtre, les bancs,
les animations, les arbres
C'est la plus claire, la seule
végétale. Nous voulons une place ouverte, pour une
ville ouverte, qui cherche à contrebalancer le caractère
massif du théâtre actuellement prévu.
Sa transformation doit partir de l'existant, en donnant davantage
de raisons de s'y croiser de s'y rencontrer, d'y flâner.
Cette place est le lieu fédérateur et identitaire
à développer. Mieux, nous proposons d'élargir
le périmètre de la ZAC pour y inclure le jardin
derrière la mairie et les deux bâtiments qui s'y
trouvent, la mairie elle-même, les trottoirs des avenues
qui bordent la place, et les parties des avenues où des
terminus de bus doivent être réinstallés.
Il s'agit de penser comme un tout cet ensemble, de la bibliothèque
au théâtre, au sein duquel les déplacements
seront nombreux.
Pourquoi vouloir transférer, comme le propose le dossier
soumis à concertation, une partie de ces fonctions de la
place Jean Jaurès en arrière du futur centre commercial,
au pied des tours, sur la future place Frachon, où sont
prévues les animations culturelles ? Échec garanti
: ombre, dalle, vent, béton, loin du théâtre
et des transports
Il faut développer les fonctions
de la place Jean Jaurès, notamment les animations de toute
sorte, au lieu de les transférer vers l'hypothétique
place Frachon.
Nous sommes favorables à la réduction à deux
voies de la chaussée entre la place et la mairie et à
une continuité de sol (chaussée surélevée).
Nous sommes favorables à l'élargissement des trottoirs
des avenues sur le pourtour extérieur de la place. Nous
sommes favorables à ce que les deux cafés, de part
et d'autre de la mairie, aient davantage d'espace pour installer
des terrasses extérieures. Nous sommes favorables à
ce que le débouché de la nouvelle avenue Wilson
soit réfléchi dans le même sens (terrasse
de café).
Enfin, il reste à faire, quoi qu'il en soit, une véritable
étude d'" écosystème " pour la
place Jean Jaurès, étude absente de tous les projets
actuels d'aménagement.
4- la place Guernica
Nous sommes favorables à un aménagement transitoire,
qui réponde notamment à la demande d'espaces sportifs
pour les jeunes, de jeux pour les enfants, mais aussi de lieux
(terrains de boules) intergénérationnels.
5- la liaison avec la Cité de l'Espoir
Le projet actuel ne nous paraît pas répondre suffisamment
à l'enjeu de l'intégration de cette cité
au centre ville. La résidentialisation ne résout
pas grand chose, et est illusoire comme réponse aux problèmes
sociaux de la Cité. Nous sommes pour reprendre les études
et les discussions publiques sur l'aménagement de la rue
Gallieni entre les tours et la Cité, dans une optique où
la facilitation et la convivialité des déplacements
piétonniers l'emportent sur la circulation automobile.
Montreuil, le 11 février 2004
Pour
l'association
Le PrésidentMarc Bourdais